C’est avec émotion que nous rendons aujourd’hui hommage à l’artiste Boris Zaborov, avec qui nous avons eu le plaisir et le privilège de travailler durant de longues années et qui nous a quittés le 20 janvier 2021. Sa première exposition à la Galerie Vallois remontait à 2002. Plusieurs ont suivi, dont une au Musée Russe de Saint-Pétersbourg en 2004, montée en partenariat avec la galerie, et une autre à la Galerie Friedman Vallois de New York en 2014.
Du 2 mars au 1er avril 2023, la Galerie Vallois présente un ensemble de ses sculptures en bronze, tableaux et dessins, datant de 1995 aux années 2010. Cette exposition est l’occasion de découvrir pour la première fois le dernier tableau de Boris Zaborov, Hommage à Florence, une œuvre maîtresse par laquelle l’artiste déclare son amour à la ville dont l’âge d’or du Quattrocento l’a tant inspiré. La cité du Lys le lui a bien rendu, puisque la Galerie des Offices a intégré dans ses collections le tableau L’artiste et son modèle, peint par Zaborov en 1998, qui a rejoint en 2008 le Corridor de Vasari, consacré aux autoportraits. C’est une tradition depuis les Médicis d'inviter les grands peintres à ajouter leur autoportrait à la collection des Offices. Zaborov a ainsi eu le privilège de succéder à Vélasquez, Delacroix, Ingres, David, Corot, Böcklin... En 2018, l’artiste a été nommé Académicien d'honneur de l'Accademia delle Arti del Disegno de Florence.
Boris Zaborov n’aura jamais eu qu’un seul sujet : la condition humaine et son corollaire tragique, le temps. Marqué très tôt par l’angoisse de la guerre, de la mort, et de l’exil, les images fantomatiques de sa ville natale, Minsk, détruite, ne cesseront de le hanter.
Ses portraits évanescents ont le charme suranné des photographies anciennes qui lui servent de modèles. Enfouis sous la matière aux teintes passées qu’il creuse, patine, estompe, selon une technique bien à lui, les visages semblent disparaître dans le flou ou au contraire surgir avec la fulgurance du développement photographique. Dans un décor, non pas absent mais comme perdu dans les méandres du souvenir, l’artiste saisit tour à tour avec beaucoup d’humilité et de finesse les visages d’enfants tristes, de vieillards burinés par le labeur et les ans, de mélancoliques jeunes filles en fleur. Souvent graves, tendres parfois, profonds toujours, ses personnages s’apparentent à des icônes.
Tout dans l’œuvre de Zaborov souligne la fragilité des êtres et des choses, donc leur caractère précieux.
Ses objets qui semblent fossilisés dans le bronze appartiennent au décor évanoui de ses tableaux. Montre à gousset, plume, lettres d’imprimerie, poupée désarticulée, accompagnent le sujet principal de son travail de sculpteur : le livre. Bien plus que la représentation, l’artiste en fait le portrait. Variant les tailles et les poses - ouvert ou fermé, debout ou couché -, il s’attache à restituer avec minutie la texture des épais volumes, du papier vieilli, les reliures très simples ou richement ornementés. Chaque ouvrage possède sa propre personnalité : imposante, mystérieuse, modeste ou sophistiquée... L’artiste sculpte les objets comme il peint les êtres : il révèle leur âme.
Artiste complet, Boris Zaborov possédait également la maîtrise des mots et il a laissé un très bel ouvrage littéraire, écrit en russe. Il sera publié en français aux Editions L’Atelier Contemporain, sous le titre Ce qu'il ne faut pas oublier, dans une traduction de Nadine Dubourvieux. L’artiste y évoque justement, avec le même lyrisme qu’il déploie dans son œuvre plastique, cette importance capitale du livre, et par-delà la mission sacrée de l’Art : « À la lueur de l’expérience, je considère aujourd’hui comme un miraculeux bienfait qu’échappent à l’attention fatale de l’énergie destructrice des passions humaines les quelques petits ilots de sérénité que sont les manuscrits, les livres et les archives qui « ne brûlent pas », les cultures entières englouties dans l’attente d’une résurrection, les tableaux conservés grâce à l’amour fervent des collectionneurs, et bien d’autres choses encore. Tout cela étant au fond le maillon de la chaîne ininterrompue qu’est la culture et, peut-être, la seule justification de notre existence sur Terre. »
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