Richard Di Rosa - Why not Sneeze #2
2021-07-08 / 2021-07-30
expos
A l’heure de la réouverture des lieux d’exposition, des lieux de convivialité, une exposition de Richard Di Rosa est ce qui peut arriver de mieux : la joie, la force, le mouvement, qui se dégagent de ses sculptures sont autant d’invitation à reprendre goût à la vie.
Sa création artistique a pourtant été marquée par les conséquences de la période covid : il n’a pu retourner au Bénin où il a opéré un premier séjour dans le cadre de la résidence d’artistes du Centre appartenant à la galerie Valois. Il avait beaucoup voyagé en cette année 2019 et puis soudain le monde s’est figé et il a fallu accepter les restrictions d’espace et de temps. Mais les contraintes, cela connait Richard Di Rosa, son art est un travail d’équilibre entre plusieurs contraintes venues des matériaux utilisés, du lieu d’exposition, du thème traité, et des propres règles qu’il se fixe. Il propose ici un Bénin revisité, visité une 1° fois et dont il a rapporté quelques pièces et revisité à distance lors des confinements.
Ses Récades réalisées sur place au Bénin sont inspirées des nombreuses sculptures qu’il a pu admirer au Musée de la Récade. Il adjoint aux objets symboles de pouvoir sa propre grammaire plastique. La colonne des marmites, ici présente dans l’exposition, a été également réalisée au Bénin. Les contraintes étaient une fois de plus celles du temps, des outils et des matériaux à disposition. Cette œuvre manifeste comment Richard Di Rosa fait de ces contraintes un défi et un support pour sa rêverie A partir des marmites qui sont un ustensile courant, l’imaginaire de la colonne a surgi en lui : songeons à la longue tradition de la colonne en sculpture, du Christ attaché à une colonne aux emblèmes commémoratifs victorieux. Mais Richard Di Rosa rêve d’une colonne qui ne serait pas droite, qui ne serait pas verticalité triomphante mais tout en arabesque, douceur et rondeur. La métamorphose des marmites en colonne, agrémentées d’un œil, déploie l’imaginaire d’une animalité.
Richard Di Rosa a créé à Paris des oeuvres dans le creuset du souvenir de ce séjour au Bénin. Il s’agit des Jumeaux, présentés ici par deux couples de jumeaux à deux échelles différentes. En tant que sculpteur, il a été attiré par des statuettes jumelles qui étaient dans des maisons béninoises. Celles-ci participent du culte des jumeaux fondé sur la croyance que les statuettes sont habitées de l’âme des jumeaux. Sans vouloir s’approprier des significations cultuelles qui ne sont pas les siennes, Richard Di Rosa s’est senti bousculé par la récurrence de figures jumelles. La gémellité interroge toujours sur le sens à donner à la création, sur la question de la reproduction, de la copie, que ce soit en rapport avec l’authenticité de l’œuvre d’art ou avec l’individualité de la personne. Formellement les jumeaux béninois sont caractérisés par deux bustes sans bras posés sur un socle. Richard Di Rosa étire les bustes et les colore en rose et jaune, dispose étonnamment un ou deux yeux, la figuration étant toujours libre dans son œuvre. Il joue aussi avec les socles et les échelles en proposant deux immenses jumeaux, mêlant ainsi deux imaginaires, celui de la gémellité et celui du géant. Cela confère aux sujets représentés plus de mystère et plus de puissance. Or pour matérialiser ce rapport à un merveilleux inquiétant Richard Di Rosa choisit également de réaliser un socle très élevé, obligeant le spectateur à lever la tête, voire se mettre sur la pointe des pieds. Cette vision en contre-plongée n’est pas sans rappeler celle des enfants.
D’autre part, l’exposition présente des œuvres récentes qui témoignent de son vécu personnel ou plus collectif. Le Simplon tremblant nommé Voltare est emblématique des perturbations ambiantes : le fil de fer qui avait la tenue du trait dessiné et permettait de tracer dans l’espace-temps des élégantes formes en 3D est agité, hérissé, suggérant, à l’instar des conventions de B.D., une électrisation du personnage. La Mère et l’enfant renvoient à sa fille Aline et son petit-fils Alfred : traiter ce thème un des plus anciens de l’art pictural ou plastique (Madone à l’enfant) s’est imposé comme une évidence à la vue de son petit fils dans les bras de sa fille. Le choix de travailler le motif à partir de matériaux formels (morceaux de bois et fils de fer pour styliser les différentes parties des corps) donne à l’œuvre son côté aérien, stylisé, suggérant l’intensité du lien maternel.
Geneviève Di Rosa
Professeur agrégé,
Docteur, ESPE de Paris – Université Paris-Sorbonne
Épouse de l’artiste et spécialiste de son oeuvre
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